Quand la justice veut différencier des vrais jumeaux par l’ADN

Quand la justice veut différencier des vrais jumeaux par l’ADN

Les tests génétiques réalisés par la police scientifique se concentrent sur ce que l’on appelle des micro-satellites, c’est-à-dire des petites portions non codantes de l’ADN, qui varient énormément d’un individu à l’autre mais pas du tout entre deux vrais jumeaux : issus du même ovule fécondé qui s’est ensuite divisé en deux aux premiers jours du stade embryonnaire, les jumeaux monozygotes partagent le même matériel génétique. Toutefois, depuis quelques années on sait qu’il existe d’infimes variations entre l’ADN de deux jumeaux, résultant de mutations aléatoires qui se sont produites lors du développement in utero mais après la séparation des deux embryons. Seulement, ces mutations rarissimes ne peuvent pas être décelées avec les protocoles expérimentaux employés par la police scientifique ou pour les tests de paternité. On estime en effet que ces variations concernent tout au plus quelques dizaines de paires de bases (ces barreaux de la célèbre double hélice de l’ADN) sur les quelque 3 milliards que compte le génome de chaque humain… Pour différencier deux jumeaux, il faut donc comparer minutieusement leurs génomes entiers, ce qui était impossible à réaliser en 2004.

Mais en dix ans, les méthodes de séquençage se sont considérablement améliorées et leur coût a dégringolé. Ce qui a permis à une équipe allemande de tenter sa chance. Comme ils le décrivent dans leur étude publiée dans le numéro de mars 2014 de Forensic Science International : Genetics – et dont le titre commence par “Trouver l’aiguille dans la meule de foin”… –, ces chercheurs ont recruté deux vrais jumeaux ainsi que l’épouse et l’enfant d’un d’entre eux. Des échantillons ont été prélevés – sang pour la mère et l’enfant, sperme, sang et muqueuse buccale pour les jumeaux – et confiés à des expérimentateurs sans que ces derniers en connaissent la provenance : à eux de différencier les deux jumeaux et de dire lequel des deux était le père.

Même avec du matériel de séquençage très récent et performant, il leur a tout de même fallu plusieurs semaines pour préparer et traiter les échantillons, cartographier puis comparer les génomes grâce à un logiciel utilisé pour détecter les mutations génétiques dans les tumeurs cancéreuses. Les données prenaient, à l’état brut, 600 gigaoctets de mémoire et 2,8 téraoctets une fois analysées. Lorsque les auteurs de l’étude évoquaient l’aiguille et la meule de foin, ils ne mentaient pas : sur les milliards de paires de bases comparées, seulement 5 différences ont pu être mises au jour, des mutations que l’on retrouvait à la fois chez le père et l’enfant mais pas chez l’oncle jumeau.

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