Le cancer, une histoire de malchance plus que d’environnement ou de mauvais gènes ?

Le cancer, une histoire de malchance plus que d’environnement ou de mauvais gènes ?

Le cancer, une histoire de malchance plus que d’environnement ou de mauvais gènes ? C’est la thèse étonnante de deux chercheurs américains, dont les travaux sont publiés dans la revue Science du 2 janvier. Selon les estimations de Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein (Johns Hopkins Kimmel Cancer Center, Baltimore), les deux tiers de l’incidence des tumeurs malignes de l’adulte relèveraient essentiellement d’un mauvais hasard, rançon de mutations aléatoires survenant lors des divisions des cellules souches. Les facteurs de risque classiques (tabac, alcool, alimentation, virus, polluants…) ou une susceptibilité génétique n’interviendraient que dans un tiers des cas. Des cancérologues français soulignent toutefois des limites méthodologiques : les cancers du sein et de la prostate, les plus fréquents, n’ont ainsi pas été étudiés.

Les deux Américains sont partis d’un constat bien connu: l’incidence des cancers est très variable selon les organes. Ainsi, le risque de se voir diagnostiquer une tumeur maligne au cours de la vie est de 6,9 % pour le poumon ; 0,6 % pour le cerveau ; et seulement 0,00072 % pour les cartilages du larynx. Certes, écrivent-ils, les écarts sont dûs en partie à l’exposition à des substances cancérigènes ou à une susceptibilité génétique, mais cela n’explique pas tout. Pourquoi par exemple les cancers de l’intestin grêle sont-ils 20 fois moins fréquents que ceux du colon ou du rectum ?

Pour évaluer la part du hasard (effet stochastique) comparativement aux autres facteurs, les chercheurs ont pris en compte la dynamique de renouvellement des cellules souches dans les tissus. On peut en effet supposer que plus le nombre de divisions est élevé, plus le risque de mutations aléatoires et donc de cancer augmente.

Le duo a sélectionné 31 cancers où ces données étaient disponibles, et les ont mises en regard de l’incidence de chaque tumeur au cours de la vie dans la population américaine. La corrélation entre le nombre total de divisions des cellules souches dans un organe donné et le risque de survenue d’un cancer dans ce même tissu s’est révélée très nette. Par exemple, les cellules souches du colon se divisent quatre fois plus que celles de l’intestin grêle, ce qui éclaire mieux la différence d’incidence de ces deux tumeurs.

Finalement, les cancers ont été classés en deux groupes. Dans le premier, les 22 cancers (dont ceux du pancréas, les mélanomes, les tumeurs du poumon des non-fumeurs) où le rôle du hasard est prépondérant. Le deuxième correspond aux neuf tumeurs (cancers du côlon, du poumon des fumeurs…) où d’autres facteurs sont clairement impliqués. Même dans ce groupe, la dynamique de renouvellement des tissus joue un rôle « essentiel », les effets de l’environnement et de la génétique ne font que s’ajouter, insistent les auteurs. Pour les cancers du premier groupe, des mesures de prévention ont peu de chances d’être efficaces et il est préférable de miser sur le dépistage, proposent-ils. Inversement, la prévention se justifie dans les tumeurs où le rôle de l’environnement est avéré.

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