[SÉRIE] Machiavel : l’innovation pour dompter les crises

[SÉRIE] Machiavel : l’innovation pour dompter les crises

Pour beaucoup, Machiavel ne représente que l’auteur du Prince et sa célèbre conclusion « ma fin justifie les moyens ». En réalité, Machiavel propose une œuvre beaucoup plus complexe dans laquelle l’idée de crise politique, économique et sociale est prépondérante. Machiavel n’est pas seulement un simple théoricien politique, il a occupé des fonctions gouvernementales dans la République Florentine avant d’être menacé par le retour de Julien de Médicis en 1512. Né en 1469, sa pensée englobe une vision de nombreuses crises : à la fois économique avec le premier déclin des Médicis, politique avec l’ascension du moine Savonarole et la fin de la première épidémie de peste Noire en Europe. Selon Machiavel, ces crises résultent de la Fortune.

Dans une période Humaniste où la tradition antique est prépondérante, Machiavel repositionne l’idée de renouveau et d’innovation comme centrale pour la stabilité d’un état et la prospérité économique. Afin de faire grandir son pouvoir et d’éviter des crises déstabilisant son autorité, Le Prince doit savoir séduire la Fortuna personnifiée dans son œuvre en femme à la volonté absolue, cette fortune apportant crises et périodes de prospérité. Ce contrôle des forces et des crises ne peut être acquis, mais selon Machiavel, celui qui s’adapte, qui tente, qui réinvente est un virtuose. Le virtuose représente celui capable d’innover, de se réinventer, de voir le présent pour construire le futur. Dans son œuvre extrêmement émotionnelle et face à la tradition manichéenne de Bien et de Mal, Machiavel défend l’innovation comme le seul moyen pour un Prince d’accomplir la grandeur et donc de dompter la Fortune. Guidé par son instinct et actant pour son bénéfice personnel, le virtuose servira finalement la société comme un tout. Bien que le Prince relève davantage de la théorie politique qu’économique, on y retrouve néanmoins les prémisses constituant les pierres angulaires de futures théories économiques : la main invisible centrale chez Smith et les Lumières écossaises, la destruction créatrice de Schumpeter…

Cette idée centrale de virtuose capable de voir le présent pour se réinventer et de créer afin de maitriser la Fortune peut en réalité résonner avec l’idée que nous nous faisons de l’innovation : l’innovation émergeant d’une vision présente et cherchant à construire une maitrise sur le futur.

Paul Gonin.
Étudiant en Science politique

Leave a reply