Cancer du sein: un appui mathématique offre de nouvelles possibilités

Cancer du sein: un appui mathématique offre de nouvelles possibilités

Les résultats d’une récente étude translationnelle et interdisciplinaire qui porte sur le cancer du sein révèlent un moyen de reprogrammer une réponse immunitaire défectueuse en une réponse anti-tumorale efficace. Cette étude a été menée conjointement par la Dre Marie-Agnès Doucey du Centre Ludwig de l’UNIL pour la recherche sur le cancer (LICR@UNIL), le Prof. Ioannis Xenarios, professeur ordinaire ad personam au Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL et directeur de la plateforme Vital-IT intégrée au SIB Institut suisse de bioinformatique et le Prof. Jean-François Delaloye, professeur associé à la FBM et directeur du Centre du sein du CHUV. Les résultats sont à découvrir dans l’édition du 13 mars 2015 de la revue «Plos Computational Biology».
Au-delà d’être une manifestation de la collaboration continue entre trois institutions scientifiques nationales de pointe, la particularité de l’étude réside dans l’alliage novateur entre l’oncologie expérimentale et la modélisation. En effet, elle est la première à utiliser la modélisation pour guider l’identification d’approches thérapeutiques efficaces dans des cellules de patientes atteintes d’un cancer du sein. Le soutien obtenu auprès du Fond National Suisse pour la Recherche Scientifique et la publication de ses résultats témoignent de la validité scientifique et du potentiel de ce travail.

Les monocytes sont des cellules immunitaires circulant dans le sang. De ce fait, elles infiltrent également les tumeurs. Dans ce contexte, les monocytes sont connus pour leurs capacités à induire le développement du réseau sanguin tumoral (dite fonction angiogénique) et à supprimer la réponse immunitaire dirigée contre la tumeur (dite fonction immunosuppressive). Combien même ces fonctions sont reconnues comme essentielles au développement de la tumeur, leurs mécanismes sous-jacents dans les cancers humains sont encore largement inconnus.

La nouvelle approche interdisciplinaire amenée par les chercheurs du CHUV, de l’UNIL et du SIB consiste à conjuguer l’oncologie clinique et expérimentale avec la modélisation pour identifier ces mécanismes et bloquer les fonctions angiogéniques et immunosuppressives des monocytes dans le cancer du sein.

L’étude a démontré que, chez les patientes atteintes d’un cancer du sein, lorsque les monocytes sanguins atteignent la tumeur, ils augmentent radicalement leurs fonctions angiogéniques et immunosuppressives. Cette observation indique que la tumeur a la capacité de façonner les fonctions monocytaires en sa faveur.

Le principal objectif de l’étude était ainsi de bloquer les fonctions angiogéniques et immunosuppressives des monocytes tumoraux. Ceci a nécessité d’identifier les mécanismes moléculaires qui contrôlent ces fonctions, un véritable défi compte tenu de la faible quantité de monocytes dans les tumeurs et de la petite taille généralement des échantillons tumoraux. C’est dans ce contexte que la combinaison innovante de la modélisation mathématique et de l’expérimentation est entrée en jeu.

Un modèle booléen du comportement des monocytes a été construit, basé sur les données expérimentales. Ce modèle a ensuite été interrogé afin de prédire les traitements capables d’interférer avec les fonctions monocytaires. Ces prédictions ont été testées expérimentalement sur des monocytes tumoraux de patientes et un double traitement a été identifié comme étant extrêmement efficace. Le traitement en question inhibe les voies de signalisation liées aux récepteurs kinases TIE-2 et VEGFR qui contrôlent synergiquement les fonctions angiogéniques et immunosuppressives des monocytes tumoraux.

Le bénéfice significatif de cette approche est que la modélisation guide l’expérimentation et permet de découvrir de nouveaux traitements, en utilisant de façon optimale les ressources et les échantillons des patientes. A titre comparatif, une approche expérimentale traditionnelle aurait nécessité 596 expériences pour obtenir le même résultat tandis que 20 expériences ont suffi grâce à cette nouvelle approche.

L’étude a permis une piste de découverte supplémentaire. Les monocytes tumoraux sont extrêmement adaptables et sous l’effet du double traitement se convertissent en cellules capables d’induire une réponse immunitaire dirigée contre la tumeur. Ces résultats soulignent que les monocytes tumoraux représentent une nouvelle cible thérapeutique et laissent entrevoir l’utilisation de ce double traitement comme approche immunothérapeutique dans le cancer du sein.

 

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