Des chercheurs viennent d’identifier une molécule prometteuse contre la progéria (ou syndrome de Hutchinson-Gilford), une maladie génétique non héréditaire décrite pour la première fois en 1887 qui provoque un vieillissement très accéléré. Environ 300 enfants, dans le monde, en sont atteints. Ils sont facilement reconnaissables : les bébés amaigris aux cheveux clairsemés et aux veines apparentes laissent vite la place à des enfants aux allures de vieillard dont l’espérance de vie ne dépasse pas les 13 ans en moyenne. Sur son site, le CNRS vient de consacrer un article à cette maladie dramatique et, surtout, aux espoirs suscités par les derniers travaux.
“Le premier symptôme – une inversion de la courbe de poids – se manifeste entre 6 et 12 mois “, décrit Delphine Larrieu, chercheuse au Gurdon Institute de Cambridge et spécialiste de la progéria. Ensuite, la taille de ces enfants ne dépasse pas 1,10 m pour un poids de 15 kilos. Viennent s’ajouter à ces désordres des problèmes de cholestérol, une fragilisation osseuse comme l’arthrose et l’ostéoporose ainsi que des maladies cardiovasculaires qui finissent souvent par provoquer la mort par crise cardiaque. Un véritable condensé des maux de la vieillesse, à une exception près : le développement cognitif des enfants atteints reste, lui, parfaitement normal.
Depuis le début des années 2000, les progrès de la biologie moléculaire ont relancé les recherches sur cette affection. En 2003, la mutation responsable de la maladie a été identifiée sur le gène Lamina par une équipe de l’Inserm. “Ce gène code habituellement pour une protéine, la lamine. Du fait de la mutation, une forme anormale de la lamine, appelée progérine, est exprimée : c’est l’accumulation de cette protéine qui est toxique et provoque la maladie”, explique Sébastien Britton, chercheur à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale. Au niveau cellulaire, aussi, les désordres sont spectaculaires et l’ADN des noyaux est désorganisé.
Le gène défaillant ayant été identifié, la première voie suivie par les chercheurs a consisté à bloquer les effets de la mutation en empêchant la formation de la lamine anormale. L’équipe du Pr Nicolas Lévy (Inserm U910 à Marseille) y travaille avec succès. Les premiers résultats montrent une reprise de poids et/ou une petite amélioration au niveau des os et des vaisseaux sanguins, et un léger gain d’espérance de vie.
Le groupe de chercheurs conduit par Delphine Larrieu a décidé, lui, de prendre le problème à l’envers : au lieu de s’intéresser aux mécanismes de la maladie, il s’est attaqué à ses conséquences visibles sur la cellule (phénotype), et notamment à la déformation du noyau. “Nous avons testé une quinzaine de molécules connues pour avoir un effet sur l’organisation de l’ADN, explique la chercheuse, qui a cosigné avec Sébastien Britton un article paru dans Science le 2 mai 2014. Parmi elles, une candidate sérieuse, la remodeline, a démontré son efficacité.” Elle améliore les performances de la cellule, notamment sa durée de vie et sa capacité à se diviser.
Reste maintenant à développer la molécule thérapeutique et à conduire des essais cliniques. La route est encore longue, mais les chercheurs pourront vraisemblablement compter sur l’appui de laboratoires pharmaceutiques, car les cellules affectées par la progéria partagent un certain nombre de points communs avec les cellules vieillissantes “normales”. Les futures thérapies de cette maladie pourraient donc aussi aider à retarder le vieillissement “naturel”.