Depuis Harvard, où il enseigna dans les années 30, aux bancs des universités du monde entier, la théorie de la destruction créatrice imaginée par Schumpeter rayonne. Le système simplifié de Schumpeter décrit une économie stationnaire liée aux comportements répétés et sans nouveauté des acteurs. Pour Schumpeter, les hausses de capital et les efforts liés à la production ne peuvent permettre une évolution de l’Économie, seuls le peuvent les entrepreneurs, les nouveaux acteurs et la disruption qui les accompagnent.
Seulement à l’heure des crises économiques et financières, il me semble que son travail soit mis à mal par les politiques publiques. Le « Too Big to Fail » et les arguments électoraux ont sans aucun doute relayé cette théorie, fondement du capitalisme moderne, au rang de simple outil de travail pour étudiants, universitaires.
Prenons l’exemple des crises de 1929 et 2008. En 1929, plus de 700 établissements bancaires américains font faillites, créant sur le court terme un effondrement des marchés mais sur le long terme des opportunités d’innovations pour de nouveaux acteurs. Allons encore plus loin, la crise de 1929 entraîna certes une perte de revenus et d’emplois pour la classe moyenne inférieure américaine, mais plus encore elle entraîna la chute de milliers de gros investisseurs américains.
Regardons maintenant 2008, dans l’espoir du système financier, le gouvernement américain offre 700 milliards de dollars aux banques d’investissements sauvant ainsi de la chute les plus grandes fortunes et empêchant sur le long terme la création d’opportunités de création de nouvelles activités. Pis encore, malgré la critique des établissements « Too Big to Fail », elle encouragera le regroupement des dépôts dans 5 établissements bancaires majeurs représentant 65% des actifs bancaires aux États-Unis, rendant ainsi encore plus difficile la faillite de l’une d’entre elles.
A l’heure du Covid19 et des difficultés économiques qui lui sont dues, Schumpeter et sa destruction créatrice semblent s’évaporer encore un peu plus. En France, l’Etat enchaîne les renflouements chez Renault et en oublie même ses objectifs de réduction d’émission de CO2 pour sauver 4 000 emplois (dont 60% sont des contrats au SMIC) dans une entreprise où une vision d’avenir est impossible à entrevoir. En sauvant les petites mains de l’industrie, les dirigeants sauvent encore plus ces grands patrons qui peu importe l’échec partiront avec un bonus faramineux dans une autre grande entreprise.
Schumpeter l’avait prédit, la fin du capitalisme et de l’innovation viendra de ceux qui pour des raisons politiques ou sociales refusent les difficultés à court terme et préfèrent l’économie stationnaire à l’innovation. Aujourd’hui à l’heure où les échelons sociaux semblent de plus en plus figés, ne serait-t-il pas temps de réintroduire Schumpeter et sa destruction créatrice.
Paul Gonin
Étudiant en Sciences Politiques
Fondation Inartis, Paris