Le porc, avenir de l’homme

Le porc, avenir de l’homme

Greffer des cellules de porc chez l’homme pour soigner le diabète ou l’insuffisance hépatique. Genève s’y prépare depuis des années. Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), les professeurs Leo Bühler et Philippe Morel travaillent sur ce sujet depuis 2012 et viennent de créer une start-up qui devra lever des fonds (5-8 millions) pour développer le premier traitement.

Devant les résultats insuffisants liés aux greffes (peu de donneurs), une idée alternative s’est développée: la greffe d’îlots de porc. Pourquoi de porc? Pour plusieurs raisons: d’abord parce que l’insuline porcine, très proche de l’insuline humaine, a été utilisée dès 1921 pour traiter les diabétiques avec d’excellents résultats. Ensuite parce que les cochons représentent une source presque illimitée; le Massachusetts General Hospital de Boston a d’ailleurs offert à Genève six paires de porcs conçus sans virus ni bactéries – qui, pour l’heure, patientent à Bruxelles. Enfin, Leo Bühler s’est formé durant cinq ans, dans ce même hôpital américain, à la xénotransplantation.

Ce n’est pas tout. Depuis des années, les HUG collaborent avec une équipe de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) pour encapsuler les îlots de porc. Il faut en effet les protéger d’un rejet massif par le receveur. «On encapsule les îlots dans une matière chimique, des polymères biocompatibles, qui empêchent les contacts cellulaires entre l’intérieur et l’extérieur mais laissent passer l’insuline, l’oxygène, les nutriments et le glucose», précise Leo Bühler.

Idéal? Pas tout à fait, car l’organisme réagira quand même contre ces polymères. «Des cicatrices se formeront autour d’eux. Les cellules finiront par mourir asphyxiées.» La coopération avec l’EPFL a permis de tester «des polymères encore plus biocompatibles qui donnent d’excellents résultats chez les petits animaux». Encourageant, selon Leo Bühler.

Pour Philippe Morel, l’équipe genevoise cumule donc plusieurs atouts: une expérience de la greffe d’îlots chez les diabétiques, une expertise en xénotransplantation, la capacité d’encapsuler les cellules porcines et l’accès à des porcs sans virus ni bactérie. «De plus, la loi suisse sur la transplantation autorise ce type de greffe à partir de donneurs porcins», souligne le professeur. Et que pensent les juifs et les musulmans pratiquants de ces thérapies? «La question a été soulevée dans les années 80 lorsque des chirurgiens ont commencé à implanter des valves cardiaques biologiques d’origine porcine, répond Leo Bühler. Les religions islamique et hébraïque ne voient pas de problème avec l’implantation de tissus, de cellules ou d’organes d’origine porcine à but médical. La seule limitation est la prise orale de viande porcine.»

Les cellules de porc pourraient avoir une autre vertu thérapeutique: celle de guérir l’insuffisance hépatique aiguë. «Plusieurs dizaines de personnes en meurent chaque année, faute d’être greffées à temps, observe Leo Bühler. Grâce à une collaboration avec la France, nous pouvons obtenir des organes, mais cela ne suffit pas. Utiliser des cellules de foie de porc pourrait être une solution. Même si elles ne fonctionnent que quelques mois, ce n’est pas grave: elles assureront la transition pendant que le foie du malade se régénère. Ensuite, il reprendrait sa fonction normale de lui-même.»

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