L’histoire récente de l’énergie nucléaire en Suisse illustre parfaitement une distinction fondamentale trop souvent oubliée : il ne faut pas confondre la décision d’autoriser le développement d’une technologie avec celle de la mettre en œuvre.
Dans son message au Parlement sur le contre-projet à l’initiative « Stop au blackout », le Conseil fédéral a confirmé une position claire : ne pas fermer la porte au nucléaire, non pas en lançant de nouvelles constructions aujourd’hui, mais en supprimant les interdictions juridiques qui bloquaient même la possibilité d’y réfléchir. L’option nucléaire reste ainsi disponible pour l’avenir, dans un cadre légal révisé, tout en poursuivant le développement des énergies renouvelables.
Cette approche très consensuelle (et suisse) laisser ouverte la voie de l’innovation pour ne pas s’interdire des solutions futures, tout en soumettant leur déploiement à un examen rigoureux. Car décider de développer une technologie n’implique pas de l’appliquer immédiatement. Sa mise en œuvre doit intégrer d’autres dimensions :
- Économiques, pour évaluer sa viabilité et son impact sur la compétitivité.
- Sociétales, pour mesurer son acceptabilité
- De besoins réels, pour s’assurer qu’elle répond à une demande clairement identifiée.
- Politiques, pour inscrire la décision dans une vision stratégique partagée.
Inscrire une interdiction dans la loi sur l’énergie Nucléaire, c’est geler pour des décennies un champ d’exploration, avec pour effet collatéral de freiner la recherche, la formation et les compétences qui pourraient un jour s’avérer cruciales. À l’inverse, encadrer le développement, fixer des garde-fous et conditionner la mise en œuvre, c’est préserver notre capacité à innover et à répondre à des situations de besoin tout en protégeant l’intérêt collectif.
Dans un monde où les cycles technologiques se raccourcissent, où les besoins évoluent rapidement, l’anticipation est un atout stratégique. Et c’est peut-être là la clé de notre résilience technologique et économique pour les décennies à venir.