[Editorial] Et si Churchill n’avait vu qu’un côté de la médaille ?

[Editorial] Et si Churchill n’avait vu qu’un côté de la médaille ?

Je relisais une anecdote selon laquelle Winston Churchill, dans un toast célèbre, aurait levé son verre en déclarant :

« Je ne souhaite à personne la santé ni la richesse… mais la chance. »
« Car la plupart des passagers du Titanic étaient en bonne santé et riches. Très peu ont eu de la chance. »

Cette phrase m’est toujours restée en tête. Elle revient chaque fois que je suis témoin ou que j’entends parler d’un événement surprenant, tragique ou miraculeux. Exemple : ces histoires liées aux attentats du 11 septembre… Un cadre supérieur a survécu parce qu’il avait accompagné son fils à son premier jour d’école.
Une femme, parce que son réveil n’a pas sonné.
Un homme, parce qu’il avait mis des chaussures neuves et s’est arrêté en chemin pour acheter des pansements.
Autant de hasards du quotidien devenus des sauveurs improbables.

Ces récits fascinent parce qu’ils donnent du sens à l’imprévu.
Ils nous font croire que derrière chaque désagrément se cache peut-être un coup de pouce du destin.
Qu’un contretemps est parfois une bénédiction déguisée.

Mais à force d’y penser, une autre idée me traverse :
Et tous ceux pour qui rien d’exceptionnel ne s’est produit ?
Ceux dont la journée s’est déroulée normalement, dans le calme et l’oubli du quotidien ?
Et les passagers de tous les autres navires qui n’ont jamais croisé d’iceberg ?
Eux aussi ont eu de la chance… mais une chance discrète, silencieuse.
Une chance qu’on ne célèbre pas, parce qu’elle ne fait pas d’histoire.

Churchill, en évoquant le Titanic, a mis en lumière une vérité forte : la chance est parfois la seule variable décisive.
Mais peut-être a-t-il oublié de parler de cette autre chance, plus diffuse — celle de traverser la vie sans heurts ni éclats.

Et si la vraie chance, c’était justement quand rien ne se passe ?
Quand aucune anecdote ne vient bouleverser le fil de nos journées.
Quand le simple fait de ne pas faire partie de l’histoire est déjà un privilège.

Alors oui, Churchill avait raison… à une nuance près… il n’a vu qu’un côté de la médaille.

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