Chaque jour m’interpelle en ce que je ressens un monde de plus en plus confronté à l’abandon progressif des conventions sociales, où la bienséance semble se dissoudre au fur et à mesure que la désinhibition gagne du terrain… et de me questionner : où nous mène cette dérive inquiétante ?
La retenue, jadis vertu partagée, semble céder sous les coups de boutoir de l’indifférence collective. Un monde où les comportements autrefois contenus et régulés par la bienséance, le respect et la diplomatie prennent aujourd’hui des formes de plus en plus excessives et insensées. Ainsi, chaque acte de provocation – qu’il soit verbal ou physique – devient une arme de plus dans ce combat invisible mais féroce contre l’ordre conventionnel. La tronçonneuse, aujourd’hui symbole des coupes budgétaires, incarne d’une manière brutale cette désinhibition, tranchant droit dans ce qui restait d’équilibre social et moral. Les gestes, auparavant considérés comme des transgressions, renaissent sous une forme déplacée mais comme une revendication de cette liberté débridée. Du Groenland à Gaza, du Canada au Mexique, chaque nouveau défi lancé aux normes traditionnelles alimente cette spirale ininterrompue. Nos valeurs d’hier, la tolérance, l’ouverture et le respect, semblent se dissiper dans un tourbillon de slogans et de pics de confrontation. Même l’industrie, qui revendiquait une logique économique et non politique semble vaciller devant cette vague révolutionnaire qui semble vouloir tout effacer sur son passage. Les discours publics se transforment en spectacles d’excès, de justifications vaines, où l’impasse collective est camouflée par une cacophonie d’explications. La théorie du chaos, loin d’être une simple abstraction académique, s’incarne aujourd’hui dans l’ampleur de cette mutation des valeurs et des comportements. Les forces refoulées se libèrent soudainement, s’engouffrant dans le Momentum ambiant et les faibles (et minables) de jadis s’enhardissent. La question qui se pose est inévitable : où cette libération sans frein nous conduira-t-elle ? Il semble que notre monde, en se débarrassant de toute forme de sagesse et de respect, se précipite vers une explosion inévitable des tensions cachées sous la surface. À présent, ce carcan s’est brisé, et la crainte du jugement a laissé place à une audace souvent aveugle et dénuée de toute mesure. Alors, dans cette nouvelle réalité, le politiquement correct s’efface pour laisser émerger la provocation pure. La bouteille d’indignation, autrefois scellée, a explosé, déversant un torrent de comportements extrêmes nourris par le rejet des normes. La presse, jadis garante des principes humanistes et des valeurs communes, paraît aujourd’hui désemparée, incapable de répondre à cette révolution en marche. Elle, qui portait la voix des minorités et des opprimés, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, entre un désarroi collectif et une indifférence alarmante. Nous sommes témoins de l’émergence d’un monde où respect et retenue ne pourraient bientôt plus être que des reliques d’un passé révolu. Cette désinhibition est le marqueur amer d’une liberté nouvelle, certes, mais de quelle liberté parlons-nous ? Une liberté qui semble ignorer les principes nécessaires au vivre-ensemble. Privée de modération, cette liberté pourrait bien être l’étincelle qui enflammera les tensions latentes et menacera de nous entraîner vers une fracture irréversible des fondements sociaux. Il nous revient, à nous tous, d’interroger ce monde effréné : comment redéfinir le respect, retrouver l’équilibre et restaurer un ordre moral qui, pourraient s’éloigner dans cette société devenue chaotique ?
Merci pour cette réflexion inspirante. Ayant des enfants jeunes adultes, je ne partage pas votre constat. Ils sont respectueux et retenus comme l’est la majorité du monde. Ce n’est pas parce que nous subissons un spectacle de politique américaine déplorable et grossier qui essaie d’occuper l’espace publique et médiatique depuis un mois que le monde vacille.
Au contraire, je suis de ceux qui pense que l’exemple est tellement patent qu’il va renforcer l’opposition et le rejet et pousser au renforcement des valeurs, de la cohésion de l’Europe. Rapparlons-en dans 100 jours.
Merci Benoit, le constat est édifiant. En cause, l’incapacité désormais de nos sociétés à établir des priorités : tout est lisse, tout se vaut, tout s’excuse, tout se règle par la loi, et tout doit être planifié et livré à notre porte, même symbolique, pratiquement sans effort.
Nous restons englués dans ce mirage qui ne demande aucun choix difficile et quand le vernis craque, ça fait mal. Cette mouvance a généré des strates de dirigeants à l’identique, sans aspérité, , qui ne veulent froisser personne, sans charisme ni courage, courroies de transmission bidirectionnelles sans valeur ajoutée , et qui sont en passe d’être engloutis par la vague. Nous n’en sortirons pas sans un leadership moral qui ne mâche pas ses mots,
Des mots, justement, parlons-on. La troisième raison de cette desinhibition à mon avis tient en l’émergence depuis 20 ans de modes de communication qui en bannissant les fioritures perdent les nuances et appauvrissent la langue. Or, une personne frustrée qui ne peut s’exprimer correctement verbalement a tendance à devenir toujours plus agressive et grossière.