[Editorial] Amour, Liberté et Illusion du choix

[Editorial] Amour, Liberté et Illusion du choix

On aime à croire que nous sommes les maîtres de notre destin, que nos choix sont réfléchis, que nous contrôlons nos élans et nos attachements. James Baldwin nous confronte à une vérité plus dérangeante : nous ne choisissons pas ce qui nous anime, pas plus que nous ne choisissons notre époque, notre corps ou notre nature profonde. Ce qui nous passionne, dans ce qu’il a de plus authentique, nous tombe dessus, bouscule nos certitudes et balaie l’illusion du contrôle.

Dans Giovanni’s Room, Baldwin explore ce paradoxe avec une force rare. Il montre comment nous nous réfugions dans des cadres artificiels – le mariage, les normes sociales, les routines – pour masquer notre vulnérabilité face à ce qui nous dépasse. À son époque, oser aimer hors des conventions était un acte de résistance, un défi lancé à une société qui classifiait certains désirs comme des maladies. Mais la question qu’il soulève va bien au-delà : vivre pleinement, c’est accepter que certaines choses nous échappent, et que c’est précisément là que réside notre liberté.

On croit souvent que la liberté, c’est le choix. Mais Baldwin nous invite à voir les choses autrement : la véritable liberté, c’est d’accepter ce qui nous traverse, sans peur et sans faux-semblants. Nous ne choisissons pas plus nos attachements que nos vocations profondes ou les rencontres qui transforment nos vies. Ce que nous appelons « choix » n’est souvent qu’une tentative de rationaliser ce que la vie nous impose déjà.

Alors, que faire ? Baldwin offre une réponse simple et radicale : 

« Tu dois suivre la voie de ton propre sang. Si tu ne vis pas la seule vie que tu as, tu n’en vivras aucune. » 

Tout est là. Se priver d’un amour, d’une passion ou d’un engagement par peur du regard des autres, par crainte de la souffrance ou par attachement à une illusion de contrôle, c’est se nier soi-même.

Alors, posez-vous cette question, non pas comme un exercice intellectuel, mais comme un véritable défi personnel : ai-je déjà renoncé à une vocation, une passion ou une relation par peur ? Ai-je eu le courage de dire oui à ce qui me dépassait ? Et si la vraie liberté n’était pas de choisir, mais d’oser accepter ce qui s’impose à nous ?

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