[Editorial] À l’heure où les cliniques de longévité fleurissent, sachons nous souvenir que vieillir n’est pas un échec, c’est un art !

[Editorial] À l’heure où les cliniques de longévité fleurissent, sachons nous souvenir que vieillir n’est pas un échec, c’est un art !

Nous vivons à une époque où la vieillesse est devenue un problème à résoudre, un état que l’on cherche à retarder, masquer, voire dépasser. Poudres miracles, régimes optimisés, biotechnologies prometteuses… Tout est bon pour défier le temps. Mais dans cette quête frénétique de la longévité, ne risquons-nous pas d’oublier l’essence même du fait de vieillir ?

La grande écrivain Grace Paley, avec son regard à la fois lucide et malicieux, nous rappelle que vieillir, ce n’est pas seulement compter les années qui passent, mais apprendre à les habiter. Elle raconte ce moment où, à 67 ans, un enfant l’interpelle d’un “Hé, vieille dame, fais attention !” et sa stupéfaction : Qui ? Moi ? Vieille ? Le miroir ne lui avait jusque-là montré qu’une femme vieillissante, pas une femme âgée. Le temps passe, mais notre regard sur nous-mêmes tarde à le rattraper. Vieillir, c’est aussi devenir invisible, écrit-elle. Surtout si l’on est petite et grisonnante. Mais à qui, et alors ? Après tout, les plus grandes minorités ont souffert de l’invisibilité avant de renaître dans la fierté et la colère légitime.

Et puis, il y a ces oublis agaçants : les mots qui s’échappent, les noms qui disparaissent. Son père lui avait pourtant donné un précieux conseil : « Les petits rameaux du cerveau sèchent, mais il reste une infinité d’opportunités synaptiques. » Si le mot « pêche » s’efface, associe-le à un printemps en fleurs, une couleur douce, un ami chaleureux, et il reviendra. Treize ans plus tard, à 80 ans, Paley se souvient des leçons de son père sur l’art de vieillir : « Le matin, prends ton cœur dans tes mains. Masse-le, parle-lui doucement, rappelle-lui son travail : battre, encore et toujours. » Ce n’est pas qu’une métaphore, c’est un rituel, une invitation à traiter son corps avec patience et respect, à dialoguer avec lui au lieu de le combattre.

À l’heure où la vieillesse est perçue comme une défaite à éviter, Paley nous propose une autre voie : celle d’une présence à soi, d’un dialogue avec le temps, d’une tendresse envers ce que nous sommes devenus. À méditer dans ses écrits lumineux, pour ceux qui veulent apprendre à vieillir, non pas en ralentissant le temps, mais en l’embrassant pleinement.

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