[Editorial] À force de vouloir des saints, on oublie les bâtisseurs

[Editorial] À force de vouloir des saints, on oublie les bâtisseurs

Dans un monde où la complexité croît à grande vitesse, où les défis exigent transversalité et collaboration, l’exigence de transparence est non seulement légitime, mais nécessaire. Pourtant, à force de vouloir éradiquer tout soupçon de conflit d’intérêt, on en vient parfois à exclure celles et ceux dont la richesse est précisément d’être au carrefour des mondes.

Soyons clairs : un conflit d’intérêt n’est pas une faute. Il devient problématique uniquement lorsqu’il n’est pas reconnu ni assumé. Dans une société connectée, ce que l’on désigne un peu trop rapidement comme conflit d’intérêt est bien souvent le fruit d’un relationnel actif, d’un engagement réel dans des projets, des institutions, des réseaux. Ces connexions ne sont pas des obstacles à l’objectivité ; elles en sont souvent le levier. Parce que comprendre un domaine, c’est aussi y être impliqué.

Plus une personne agit, plus elle crée de la valeur, plus elle s’expose potentiellement à des zones de frottement. Et c’est normal. C’est même sain. Car c’est dans ces interfaces, dans ces interstices d’expertise et d’engagement, que naît l’intelligence collective. Appelons-la : l’intelligence connectée.

La meilleure réponse à cette réalité n’est pas la suspicion, mais la transparence. Assumée, bienveillante, documentée. Une transparence qui reconnaît la légitimité des parcours engagés, qui préfère les bâtisseurs aux spectateurs, et qui sait faire la différence entre influence malhonnête et écosystème vertueux.

À l’inverse, ceux qui n’ont aucun lien, aucun rôle, aucun projet, sont sans doute à l’abri de tout soupçon — mais ils sont aussi souvent à l’écart de l’impact. On ne construit rien à distance du réel.

Nous devons cesser de pénaliser l’action, de disqualifier ceux qui font sous prétexte qu’ils sont impliqués. Car ce sont ces mêmes personnes qui nous permettent de mieux comprendre, mieux décider, mieux innover.

Alors oui, demandons l’éthique. Mais n’oublions pas de valoriser aussi l’engagement, les parcours croisés, les connexions. C’est là que se trouve la richesse.
C’est là que sont les bâtisseurs.

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