Plusieurs nouvelles ont sonné doux à nos oreilles en cette toute fin d’année tant d’un point de vue politique qu’économique: manifestation citoyenne ne voulant pas casser la croissance de notre pays, développement réjouissant de grandes initiatives de recherche, levées de fonds record, partenariats stratégiques significatifs même « historiques » pour reprendre le titre d’un grand quotidien genevois.
« Historique » ! Le mot a été utilisé et doit bien se comprendre non seulement comme un événement remarquable, mais comme un encouragement à faire toujours mieux. Car si le mieux est l’ennemi du bien, il peut surtout se transformer en oreiller de paresse douillet réservant des réveils moins agréables. 2014 en a connu également à l’image de la votation du 9 février, qui, toute historique qu’elle fut, a laissé des traces douloureuses, nous forçant à un travail de fond essentiel mais ô combien chronophage au détriment de réflexions anticipatives et prospectives telles que celles que nous devrions mener, afin de saisir les clefs de lecture nous permettant d’analyser les départs successifs de Shire et Alexion de notre région. Rien n’est jamais gagné, et à l’image du succès, il se construit certes en s’appuyant sur des atouts mais surtout en réponse à un travail intelligent et acharné.
A l’heure du bilan, c’est l’occasion de se souvenir qu’il y a un triple présent qui n’est pas ponctuel, instant entre le passé et le futur, mais un présent dilaté. Me permettant de paraphraser Saint-Augustin, ces trois sortes de temps coexistent: le Présent du Passé, c’est la mémoire, le Présent du Présent, c’est l’action, le Présent du futur, c’est l’anticipation.
Conscients du Passé, nous sommes en train de construire le Présent, d’anticiper le Futur. Notre région a tous les atouts pour être un acteur majeur dans la révolution du monde de la santé qui est en cours. Hôpitaux, universités, écoles techniques et polytechniques maîtrisent les connaissances nécessaires pour répondre aux attentes nouvelles par des solutions nouvelles. De nombreux projets porteurs s’inscrivent dans cette nécessaire anticipation, que l’on pense aux nouvelles ambitions que se donnent Genève avec le CMU2 et le bâtiment des laboratoires des HUG, Lausanne et l’ISREC qui dans le domaine du cancer se dote d’une nouvelle dynamique translationnelle permettant de passer rapidement d’un concept élaboré en laboratoire à des améliorations thérapeutiques au chevet du malade, et bien sûr l’EPFL qui a embrassé les Sciences de la vie en s’appuyant sur ses compétences traditionnelles et contribue à de nombreuses initiatives cantonales valaisannes, fribourgeoises, neuchâteloises et genevoises dans le cadre de Campus Biotech et du Centre Wyss (voir www.healthvalley.ch).
Alors que nous souhaiter? Plus de courage et de rapidité de mise en œuvre dans ces programmes fédérateurs devant soutenir tant les efforts de recherche que l’émergence des acteurs industriels de demain. Et surtout plus d’ambition, exprimée en perpétuant l’esprit de pionnier, d’entrepreneur qui a forgé notre Passé.
Nous sommes passés à une civilisation du savoir et nous avons dans notre région un actif incroyable du fait de la densité de hautes écoles de qualité qui génèrent ce savoir. Pionniers et entrepreneurs doivent prendre le relais, jouer leur rôle de révolutionnaires des temps modernes. Un révolutionnaire, c’est quelqu’un qui perçoit le statut quo et qui se dit: « Ce n’est pas la bonne solution! Je peux changer la situation et amener les gens à le faire d’une autre manière ». Il en va de même pour un entrepreneur. Un entrepreneur voit des clients insatisfaits, des produits qui n’atteignent pas le public et y décèle une opportunité. Ces hommes et ces femmes qui ont, en leur temps, parfois été considérés comme des illuminés, des renégats, parfois même des traîtres, ont construit la prospérité de notre pays avec cet état d’esprit: la volonté de faire quelque chose qui n’avait pas été fait auparavant: découvrir, créer, explorer des domaines inconnus. Il est important de se rappeler que chaque grande entreprise et que chaque produit qui a révolutionné son domaine ont été le fruit du travail d’un entrepreneur. La base de notre système économique dépend des entrepreneurs. C’est ce que j’aime en Suisse et dans tout pays démocratique: chacun peut commencer sans avoir un nom, avec rien si ce n’est une idée, de la passion et beaucoup de volonté et terminer comme les Geigy, les Firmenich, les Mauvernay; il peut être jeune comme Michael Dell, Steve Jobs ou les fondateurs de Google, il peut commencer pauvres comme Carnegie, être diplômé des meilleures écoles comme l’avoir quittée très tôt comme Bill Gates, il peut être suisse ou étranger, être homme ou femme. Ce qu’il faut c’est percevoir les opportunités, de la créativité, de la détermination et du travail, croire en soi et en ce que l’on fait. Avec ces forces tout, et je dis bien tout, est possible.
La Suisse a toujours été une terre d’opportunité et alors que chaque jour de nouvelles technologies sont développées, de nouvelles opportunités s’offrent à ceux qui ont le courage et la ténacité de poursuivre leur rêve. Un entrepreneur et un révolutionnaire sont les mêmes personnes, mais sont nés à des temps différents, dans des circonstances différentes.
Ainsi, le Passé n’est pas un pays étranger et grâce à l’histoire, c’est le Passé qui existe dans le Présent. Être présent au Présent du Présent –ne dit-on pas d’un cadeau qu’il est un présent?… – c’est s’ouvrir à “l’à-venir”, à la révolution qui peut advenir, c’est se faire réceptif pour intégrer ce qui vient d’ailleurs. Réception et création vont de pair. C’est dire encore qu’être présent au Présent, c’est entrer dans l’impatience du temps, celle qui nous garantira toujours une longueur d’avance dans un monde très compétitif, celle qui nous force à anticiper plutôt qu’à être réactif, celle qui nous place dans ce Présent du Futur.