A la Jolla, le cœur scientifique de San Diego, est née, il y a quinze ans, Illumina. Inconnue du grand public, cette firme est le leader mondial du séquençage et de l’analyse de l’ADN. Ses machines ultra-puissantes équipent les laboratoires de toute la planète, décodant à une vitesse vertigineuse les 3 milliards de paires de bases (les célèbres lettres A, T, C, G combinées deux par deux) qui composent notre génome.
Et ce n’est qu’un début : en janvier, ce Google de l’ADN a lancé un système capable de décrypter un génome en moins de vingt-quatre heures pour un coût unitaire inférieur à 1 000 dollars. Jay Flatley, qui dirige Illumina presque depuis sa création, explique pourquoi le XXIe siècle est l’âge d’or de l’ADN en exclusivité au Monde.
Que peut-on attendre de cette « révolution de l’ADN » en médecine ?
De plus en plus de tests permettent de connaître la prédisposition des individus à diverses maladies comme les cancers, de caractériser les mutations d’une tumeur, ou encore de prédire la réaction d’un patient à tel ou tel médicament. Bientôt, lorsque vous irez voir votre oncologue, la génétique l’aidera à choisir le cocktail de molécules le plus efficace pour traiter votre tumeur et le plus adapté à votre profil génétique, car l’effet peut-être très différent d’une personne à l’autre. Mais, attention : à aucun moment nous ne disons au médecin ce qu’il doit prescrire ou conseiller à un patient. C’est sa décision.
Avez-vous fait séquencer votre génome ?
J’ai fait séquencer mon génome en 2010. Il a été analysé une première fois en utilisant les bases de données existantes. J’ai ainsi appris que je souffrais d’une dizaine de pathologies et que j’aurais dû mourir des années auparavant ! Depuis, nos bases se sont affinées, et chaque année, mon génome est réinterprété en fonction des nouvelles données. Cette année, j’ai ainsi appris que je risquais de mourir sur la table d’opération si je subissais une anesthésie générale. C’est précieux de savoir cela !
Les tests de dépistage soulèvent des questions éthiques, surtout lorsqu’ils sont pratiqués sur des embryons. Jusqu’où peut-on aller dans la prédiction ?
On dépiste maintenant la trisomie 21 grâce à un test génétique aussi fiable et moins risqué qu’une amniocentèse. De nombreuses maladies pourraient être diagnostiquées de la même façon, et, à l’avenir, il sera tout à fait possible de séquencer intégralement le génome des embryons et des nouveau-nés. Cela permettrait de détecter de façon très précoce certaines maladies afin de les traiter dès la naissance, voire in utero. Dans le cas de maladies comme l’autisme, cela permettrait de gagner de précieuses années…