Editorial : Garder la tête froide face aux secousses de l’actualité

Editorial : Garder la tête froide face aux secousses de l’actualité

Cet éditorial prend appui sur l’article du Temps du 8 septembre 2025 revenant sur le revirement du Conseil fédéral concernant le nucléaire. Le journal pose la question : « Pourquoi ce changement ? » Mais la vraie question n’est-elle pas inverse : « Pourquoi, au début des années 2010, Doris Leuthard voulait-elle tourner le dos à l’atome en Suisse ? »

La réponse est simple : parce que le sujet était devenu brûlant après Fukushima (11 mars 2011). L’accident japonais, aussi dramatique qu’il fût, a créé une onde émotionnelle mondiale, entraînant une cascade de décisions politiques. En Suisse, comme ailleurs, l’image, l’opinion publique et le court terme ont pris le pas sur l’analyse rationnelle, sur la constance et sur le courage politique.

Aujourd’hui, le Conseil fédéral, sous l’impulsion d’Albert Rösti, fait marche arrière et annonce vouloir lever l’interdiction de nouvelles centrales. Le même pays, dans un laps de temps très court à l’échelle énergétique, passe d’un rejet affirmé à une réhabilitation pragmatique. La question n’est pas de savoir qui avait raison hier ou qui a raison aujourd’hui, mais pourquoi les décisions structurantes sont trop souvent dictées par l’émotion du moment plutôt que par une évaluation rigoureuse et de long terme.

Une politique responsable exige davantage. Elle suppose de peser les intérêts, d’intégrer toutes les dimensions – sécurité, environnement, économie, indépendance stratégique – et de prendre des décisions qui dépassent l’immédiateté des manchettes. Agir autrement, c’est céder au populisme, flatter l’opinion au lieu de la guider, sacrifier l’avenir sur l’autel du présent.

Ce qui est vrai en politique vaut aussi pour toute organisation : l’émotionnel ne peut prendre le pas sur le rationnel. Il est nécessaire de résister aux emballements conjoncturels, de s’extraire des pressions opportunistes et de garder une ligne cohérente. Gouverner – ou diriger – ce n’est pas surfer sur les vagues de l’émotion, c’est tracer une route solide à travers elles.

La constance, la tête froide et le courage des choix impopulaires sont les conditions pour bâtir des politiques, des entreprises et des institutions qui durent. Et, surtout, qui servent réellement le bien commun.

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