La souveraineté technologique est devenue l’un des enjeux les plus sensibles de notre époque. À l’heure où les technologies critiques façonnent nos économies, nos systèmes de défense, notre santé et nos communications, la capacité d’un pays ou d’une région à maîtriser ses propres choix technologiques ne relève plus du luxe mais d’une impérieuse nécessité. Dans ce contexte, deux visions s’affrontent ou se complètent : le multilatéralisme et la multipolarité.
Le “multilatéralisme technologique” repose sur la coopération institutionnelle entre États et organisations internationales pour définir des standards, garantir des flux d’innovation ouverts et construire des chaînes de valeur résilientes. C’est l’héritage des grands accords post-Seconde Guerre mondiale, nourri par l’idée que les défis technologiques – cybersécurité, intelligence artificielle, santé numérique – nécessitent des règles partagées. Le multilatéralisme favorise les alliances et les partenariats, à l’image du CERN ou du programme Horizon Europe. Mais il suppose une confiance mutuelle et un alignement des valeurs qui se fragilisent dans un monde géopolitiquement tendu.
La “multipolarité technologique”, en revanche, reflète la montée en puissance d’acteurs régionaux ou nationaux qui entendent façonner leur propre écosystème de recherche, de production et de régulation. L’Europe rêve d’autonomie stratégique, la Chine construit ses standards, les États-Unis verrouillent l’accès à certaines technologies clés. Cette multipolarité s’appuie sur une logique de blocs, où chaque pôle cherche à réduire sa dépendance, quitte à fragmenter l’espace numérique et scientifique mondial.
Entre la promesse d’un multilatéralisme coordonné et la réalité d’une multipolarité compétitive, la souveraineté technologique devient un exercice d’équilibriste. Trop d’ouverture expose à la dépendance. Trop de repli freine l’innovation. La voie à suivre réside peut-être dans une “souveraineté connectée” : savoir choisir ses interdépendances, bâtir des alliances fortes mais lucides, et investir dans ses propres capacités d’innovation sans céder à l’illusion de l’autarcie.
Ce sujet est au cœur des réflexions actuelles de la SATW (Académie suisse des sciences techniques) et fera l’objet d’un approfondissement lors des journées de réflexion du 22 août prochain.
La discussion sera conduite en présence d’acteurs majeurs de la souveraineté technologique, parmi lesquels le Prof. Dr. Jan Wörner, Président sortant d’acatech et ancien directeur général de l’ESA, le Divisionnaire Claude Meier et M. Ruedi Minsch, économiste en chef d’economiesuisse.
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