Je suis chaque fois surpris de lire en « plain text », comme les anglophones savent si bien le faire, que la volonté des Etats-Unis est de freiner le développement des pays qu’ils considèrent comment concurrents. En réponse à des interrogations sur nos compétitivités nous sommes plus habitués à des programmes volontaristes d’investissement ou dans le sens inverse à des actions discrètes d’interventions protectionnistes, mais affirmer comme un des axes stratégiques l’atteinte d’une domination par TOUS les moyens, nous replonge dans des polarisations malsaines aux antipodes de l’ambition des bénéfices attendus de la mondialisation favorisé notamment via l’open innovation et la diffusion du progrès technique en vue de l’amélioration des produits et des procédés.
Ce qui m’amène à cette réflexion, est la lecture du « Mid-Decade Challenges to National Competitiveness publié par la SCSP (Special Competitive Studies Project des USA) chapeautée par Eric Schmidt, qui compte parmi les voix les plus influentes de la Tech et qui fut notamment le PDG de Google de 2001 à 2011.
Dans son introduction, à la hauteur des meilleures dystopies, une invective : « À la fin de cette décennie, nous saurons si nous vivrons dans un monde façonné par la libre expression, la tolérance et l’autodétermination ou dicté par la censure et la coercition »… et pour que les USA gagnent cette bataille (non seulement sur la Chine, mais sur toutes les autres nations), une stratégie quasi martiale aux antipodes d’une volonté sincère de bâtir « ensemble » en empruntant le chemin de collaborations constructives. Je ne saurais bien résumer les propos et le ton du discours, mais vous invite à lire ce rapport (Voir la référence et en particulier l’introduction « A contested Future ».
Cela m’amène à une deuxième question, ne pas privilégier de voies collaboratives, voir entreprendre des actions afin de freiner le développement d’autres pays ou industries, est-ce (hors toute considération morale) une politique réaliste ?
Je m’interroge très sérieusement à la lecture d’un autre fait récent : le lancement fait sans grande fanfare du smartphone Mate 60 Pro de Huawei à la fin du mois d’août. Initialement disponible uniquement sur le site de commerce électronique de la société technologique, il a été déployé chez d’autres détaillants en Chine au cours de la semaine dernière et le monde a désormais réalisé son importance. L’appareil est équipé d’un processeur développé par la Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) de Shanghai à l’aide d’un processus de fabrication largement supérieur à ce que le pays était considéré comme capable de faire il y a tout juste un an.
En nous souvenant qu’en 2021, la secrétaire américaine au commerce, Gina Raimondo annonçait que Washington travaillerait avec les dirigeants européens pour “ralentir le rythme d’innovation de la Chine” dans l’objectif de faire en sorte que la Chine ne puisse pas “rattraper son retard dans des domaines critiques comme les semi-conducteurs”, l’Occident a apparemment échoué.
Bien au contraire les nouvelles puces SMIC suggèrent que les tactiques musclées telles que les sanctions américaines contre Huawei et les contrôles à l’exportation limitant l’accès des Chinois aux semi-conducteurs américains n’ont fait qu’inciter les industries chinoises de haute technologie à se surpasser.
Le rapport: mid-decade-challenges-for-national-competitiveness/