…Comme tout projet ambitieux il suscite des espoirs mais également des interrogations

…Comme tout projet ambitieux il suscite des espoirs mais également des interrogations

Le Parc suisse d’innovation, accepté par le Conseil national, Xavier Comtesse n’y croit pas. «C’est un projet du passé», assène celui qui, depuis vingt ans, observe les conditions d’épanouissement de l’innovation.

Celui qui fut le sherpa du secrétaire d’Etat à la science Heinrich Ursprung puis ambassadeur de la Suisse scientifique à Boston exprime ses doutes face à un projet désormais entre les mains du Conseil des Etats.

– Le Parc suisse d’innovation, c’est offrir des surfaces proches des instituts académiques pour attirer des entreprises. Pourquoi ne serait-ce pas pertinent?

C’était une excellente idée dans les années 90. Mais ce concept est épuisé. Aujourd’hui, l’innovation qui change le monde vient de la digitalisation algorithmique. Airbnb, Uber, la montre connectée en sont des exemples fulgurants. Les as de cette discipline sont des mathématiciens et des informaticiens. Je les ai observés à San Francisco. Dans cette ville, 1800 sociétés créent des applications innovantes. Leur besoin en surface est modeste. Leur monde, c’est downtown. Ils vivent et travaillent au cœur de la ville branchée et inspirante. Ils jouent avec leur PC mais un technoparc ne leur sert à rien.

– Zurich ferait tout faux en misant sur la création d’un grand quartier technologique?

Google a installé son centre de recherche à Zurich, en ville, parce que l’EPFZ est la meilleure école d’informatique après Boston et Stanford. IBM a suivi avec son centre de recherche à Rüschlikon. Ni l’un ni l’autre n’ont eu besoin d’un quartier technologique pour investir à Zurich. Le concept sur lequel a voté le National date de dix ans, mais on n’a pas assez réfléchi aux nouveaux paramètres de l’innovation. Le Parc d’innovation offre beaucoup de mètres carrés, du béton, mais c’est l’imagination au carré qu’il faut promouvoir.

– Que préconisez-vous?

Il faut davantage investir dans nos écoles polytechniques. Encore mieux enseigner les mathématiques et l’informatique, les vrais langages de l’avenir.

– Mais encore?

La R&D dans nos compagnies est-elle capable de lire la formidable mutation économique et sociale que nous vivons tous: la digitalisation algorithmique? J’en doute quand j’entends Hayek Jr vitupérer contre la BNS et le franc fort. Je dis aux horlogers suisses: acceptez de considérer la montre connectée comme un changement de paradigme. Ce n’est pas une montre mais un archimini-ordinateur qui a déjà quelques milliers d’applications et qui, demain, sera au centre de l’Internet des objets, de l’ensemble du système de paiement et de la santé embarquée, rien que cela! Où sont nos génies capables d’inventer les écosystèmes digitaux du futur?

– L’histoire du Parc d’innovation pèche-t-elle par excès de consensus?

Je sens un consensus mou et malsain entourant un projet peu ambitieux. Il est impossible d’être contre la science, contre l’innovation! Mais il faudrait être plus critique avec les technoparcs existants, et ceux que l’on prétend remplir avec un label et quelques sous de la Confédération. Microcity à Neuchâtel peine à décoller; blueFACTORY à Fribourg reste une coquille vide; le Campus Biotech à Genève, qui héberge le Human Brain Project, est un projet immobilier risqué. L’EPFL a perdu le leadership sur la partie neurosciences: les fonds européens pourraient ne pas suivre, surtout si la Suisse ne se sort pas de l’impasse créée par le vote du 9 février 2014 contre la libre circulation des personnes. Des doutes planent sur la cathédrale de verre de Sécheron, que beaucoup de chercheurs jugent inadaptée pour la science et la recherche en laboratoire. Mais c’est un tabou.

(Source 24Heures)

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