Stopper une seule enzyme pourrait combattre la leucémie

Stopper une seule enzyme pourrait combattre la leucémie

Des chercheurs de l’EPFL ont découvert que la désactivation d’une seule et unique enzyme pouvait éradiquer une forme agressive de leucémie. Le principe qui en découle s’appliquerait également à d’autres cancers.

La leucémie aigüe lymphoblastique à cellules T (T-ALL) est une forme rare de cancer du sang, qui touche avant tout les enfants plus âgés et les adolescents. Elle affecte les globules blancs, qui sont essentiels à notre système immunitaire pour lutter contre les infections. L’émergence de la T-ALL est liée aux micro-ARN, ces petites molécules non codantes d’ARN qui réduisent celui-ci au silence et régulent l’expression des gènes. La plupart des micro-ARN est généré avec l’aide de l’enzyme dicer1, qui fait l’objet de nombreuses recherches dans l’espoir de guérir la T-ALL. Or, des scientifiques de l’EPFL viennent de démontrer que la dicer1 était fondamentale pour le développement de la T-ALL, et que parvenir à l’inhiber signifiait éviter la maladie. Leur étude est publiée dans le journal Blood.

Les micro-ARN débutent leur vie sous forme de structures en épingles à cheveux au sein du noyau cellulaire. Une enzyme appelée dicer1 les découpe ensuite en deux brins de micro-ARN. L’un est rejeté, l’autre forme un complexe avec un groupe de protéines. Celui-ci se lie ensuite à l’ARN porteur de l’information génétique qui l’intéresse et le réduit au silence. La machinerie cellulaire ne peut plus lire l’information qui l’intéresse, et le gène arrête de produire sa protéine.

Or, le laboratoire de Freddy Radtke de l’EPFL a désormais prouvé que la dicer1 jouait un rôle clé dans la T-ALL, et que son blocage permettait de contrer la maladie. Les chercheurs ont tracé le développement de la T-ALL dans des souris conçues génétiquement, avec pour objectif d’annuler l’effet de la dicer1 dans un modèle de rongeurs possédant un gène cancérigène muté qui induit la T-ALL. Ce type de leucémie évolue en effet d’un stade relativement bénin en une forme agressive qui finit par tuer le patient. Fabian Junker, un jeune docteur de l’équipe de Radtke, a alors « déclenché » la dicer1 dans des rongeurs à divers stades de T-ALL afin d’observer le rôle joué par l’enzyme dans l’évolution du cancer étudié.

Or, « déclencher » la dicer1 à un stade précoce de T-ALL évite que la maladie se développe, et ce malgré le gène muté. Plus intéressant encore, les cellules T-ALL des souris dont la dicer1 a été totalement retirée ont été entièrement éliminées, ce qui a permis aux rongeurs de survivre. Un tel phénomène a été confirmé par le suivi des quelques cellules leucémiques résiduelles prélevées sur les animaux. « Ces dernières meurent une fois la dicer1 éliminée, » confirme Freddy Radtke.

La clé de cette mort cellulaire réside dans la production de micro-ARN par la dicer1. Les chercheurs ont en effet observé qu’une molécule de micro-ARN auparavant inconnue (la miR-21) était dérégulée dans les T-ALL affectant les humains et rongeurs. L’équipe en a également découvert la raison: lorsqu’une personne est atteinte par la T-ALL, ce micro-ARN spécifique bloque un gène qui élimine normalement les cellules tumorales sanguines. Sans dicer1, pas de miR-21, ce qui permet aux gènes suppresseurs de tumeurs de lutter contre la maladie.

Cette étude est la première à démontrer de façon concluante que la dicer1 joue un rôle dans la T-ALL, et ouvre la porte à de nouveaux traitements, notamment pour d’autres types de cancers. Le défi lorsque l’on s’intéresse à des molécules si fondamentales à la vie cellulaire est toutefois de cibler avec précision les cellules qui sont pertinentes. « On ne peut pas simplement stopper la dicer1 de façon généralisée, » explique Freddy Radtke. « Ou alors on finira par tuer des cellules saines. » Un défi parmi d’autres que son laboratoire veut désormais surmonter.

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