Quatorze mille Vaudois vont se faire décrypter l’ADN

Quatorze mille Vaudois vont se faire décrypter l’ADN

Voilà presque deux ans que les patients hospitalisés au CHUV sont invités à donner un peu de leur sang pour alimenter l’immense coffre-fort d’ADN destiné à la recherche biomédicale, la Biobanque institutionnelle de Lausanne (BIL). Ces échantillons stockés sous forme codée constituent la clé de voûte de la médecine génomique. Qui ambitionne de trouver des liens entre gènes et maladies pour mieux diagnostiquer ces dernières, les soigner et même les prévenir. Un pas concret vers la médecine personnalisée.

Le taux d’acceptation chez les patients avoisine les 75%. «Le recrutement marche extrêmement bien», se félicite la directrice opérationnelle de la BIL, Christine Currat. Le 14 000e volontaire a été enrôlé la semaine dernière. On reste tout de même loin des prévisions qui tablaient sur 30 000 personnes fin 2014.

«Notre estimation était peut-être ambitieuse, réagit le professeur Vincent Mooser, responsable de la biobanque créée par le CHUV et l’UNIL. Je pense que nous aurons recruté 16 000 patients à la fin de l’année, ce qui est un accomplissement remarquable. Le taux d’acceptation est identique, voire meilleur, chez les personnes qui reçoivent le formulaire d’information à domicile avant leur hospitalisation qu’aux urgences. On ne peut pas nous reprocher de profiter de situations de faiblesse pour arracher un consentement.»

Après la phase de recrutement viendront les premiers séquençages et analyses du génome, prévus fin 2015. Il faut compter 20 millions de francs pour un séquençage complet de 20 000 échantillons. Vincent Mooser cherche des investisseurs publics, «éventuellement» privés, pour financer un premier séquençage partiel à hauteur de 3 millions. «Les analyses génétiques répondront à des questions précises. Le comité scientifique va déterminer lesquelles nous voulons adresser en priorité. Nous pourrons ensuite décider quel genre de séquençage il faut faire et chez qui. Finalement, nous irons trouver des parties intéressées par le financement de ces analyses. C’est notre objectif pour les six prochains mois.»

Phase ultime: la mise à disposition des échantillons. La BIL ambitionne d’offrir d’ici à cinq ans, clés en main, un accès protégé aux chercheurs de l’UNIL et du CHUV mais aussi au secteur privé, l’industrie pharmaceutique en tête. «Ils n’auront jamais la possibilité de remonter jusqu’au patient», assure le professeur Mooser. Chaque projet sera examiné par la Commission cantonale d’éthique, et les partenaires devront adhérer aux mêmes standards de sécurité que la BIL.

Imaginons par exemple qu’un nouveau traitement ait été trouvé contre la sclérose en plaques. La structure va faciliter l’identification des personnes atteintes qui ont résisté au traitement courant. Elle aura la possibilité de les contacter pour des essais cliniques, si elles ont donné leur accord. «Ce genre de projet est extrêmement difficile aujourd’hui», relève le professeur Mooser. L’accès à cette énorme base de données encouragera les pharmas, espère-t-il, à mener des tests cliniques dans la région. «On constate une baisse de leur nombre en Suisse de 50% entre 2004 et 2011. C’est extrêmement inquiétant.»

La BIL fait désormais partie d’une plate-forme multidisciplinaire de soutien à la recherche clinique, unique en Suisse, dont le financement vient d’être pérennisé à parts égales par le CHUV et l’UNIL pour un montant encore tenu secret. Le professeur Mooser a trois ans pour la rendre opérationnelle.

Il s’agit encore, d’ici là, de verrouiller les accès. Point hautement sensible, la protection des données est aux mains des informaticiens de l’EPFL, chargés de développer un outil de cryptage sur mesure.

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