L’inflammation du cerveau cause-t-elle la dépression?

L’inflammation du cerveau cause-t-elle la dépression?

Lorsqu’elle survient, la dépression plonge souvent les patients dans un océan de questions: «Qu’ai-je fait de mal? A quoi cela est-il dû? Comment puis-je m’en sortir?» Et les réponses des proches ne sont pas toujours à la hauteur. «Encore trop souvent, l’entourage donne des conseils comme «reprends-toi» ou «ça va aller». La dépression passe pour une faiblesse de caractère ou un manque de ténacité, raconte Antoine Pelissolo, psychiatre et chef de service au Centre hospitalier universitaire Henri-Mondor, à Créteil (France). Mais en réalité, il ne s’agit jamais de mauvaise volonté.»

Les causes de cette maladie restent néanmoins mystérieuses. Pour mieux les comprendre, des scientifiques explorent la piste d’une inflammation du cerveau. «Cette hypothèse existe depuis une vingtaine d’années, raconte le professeur Alexandre Dayer, médecin adjoint agrégé au service des spécialités psychiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Des chercheurs ont trouvé dans le sang des dépressifs des marqueurs de l’inflammation – les cytokines. Mais les résultats de ces études ne sont pas toujours très clairs et la présence de molécules dans le sang ne présume pas de ce qui se passe dans le cerveau. De nombreux composés sont en effet bloqués par la barrière hémato-encéphalique.»

Jusqu’ici, les scientifiques ne disposaient donc pas de véritable preuve liant dépression et inflammation. La donne pourrait être en train de changer. Une équipe canadienne, menée par Jeffrey Meyer, vient d’étudier la distribution d’une protéine liée à l’inflammation dans le cerveau de 20 patients dépressifs et de 20 témoins, grâce à une technique d’imagerie médicale, le PET scan.

Leurs résultats, publiés le 28 janvier dans le journal JAMA Psychiatry, sont sans appel: la concentration de ce marqueur se révèle en moyenne 30% plus élevée chez les personnes dépressives que chez les témoins. «Il s’agit d’une piste très intéressante, poursuit Alexandre Dayer. Mais elle demande à être confirmée, car cette étude a été réalisée sur une cohorte de patients très limitée (ndlr: une vingtaine). Néanmoins, si cette théorie est validée, elle nous offrira des marqueurs biologiques de la maladie, très utiles pour le diagnostic, mais aussi de nouveaux moyens de traitement, dont nous avons désespérément besoin.»

Au cours de sa vie, une personne a environ 10% de probabilité de connaître un épisode dépressif – les femmes sont davantage touchées que les hommes. Pour les traiter, les médecins utilisent la psychothérapie, associée à des médicaments de type antidépresseurs. Ces composés agissent tous sur la chimie du cerveau, en modifiant l’équilibre des neurotransmetteurs monoaminergiques. Mais dans 20% à 30% des cas, les patients dépressifs résistent à l’effet de ces molécules.

«Disposer d’un nouveau mode d’action permettrait de prendre en charge les patients insensibles aux antidépresseurs, souligne Antoine Pelissolo. Or si des mécanismes inflammatoires sont associés au développement de cette maladie, cela suggère que l’utilisation d’agents antiinflammatoires pourrait représenter une nouvelle approche thérapeutique intéressante.»

Une méta-analyse, publiée en décembre 2014 dans JAMA Psychiatry, confirme l’intérêt de cette piste. En combinant les résultats d’une dizaine d’études portant sur 6000 personnes dépressives, des chercheurs ont montré que l’ajout de médicaments antiinflammatoires aux antidépresseurs augmente de façon spectaculaire (270%) le taux de réponses positives au traitement, sans provoquer d’effets secondaires importants.

«C’est intéressant, mais il ne faut pas s’emballer, prévient Antoine Pelissolo. Pour le moment, cela reste de la recherche et ce type de traitement ne peut être donné de manière systématique.» Un avis partagé par Alexandre Dayer: «Les méta-analyses regroupent des patients très disparates, il faut maintenant lancer une grande étude afin de confirmer ces résultats très encourageants.»

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