L’idée qui valait 3 millions d’euros…

L’idée qui valait 3 millions d’euros…

L’idée a surgi un matin de 2010 dans l’esprit de Thierry Stora, en prenant un café avec un collègue. Elle a cheminé pendant deux ans pour recevoir le soutien plein et entier de la direction du CERN. La fortune souriant aux audacieux, Thierry Stora a soumis son projet à la Commission européenne, qui vient d’allouer près de 3 millions d’euros à son projet de recherche, aux lisières de la physique et de la médecine. Heureux de son succès, le quadragénaire se livre avec gaieté, oubliant parfois que les faisceaux de protons restent un mystère pour le commun des mortels.

Elevé en France par des parents scientifiques – sa mère est astronome de formation, son père, Raymond Stora, physicien renommé, siège à l’Académie des sciences – le jeune Thierry s’oriente, «par goût», vers des études scientifiques. Il va vite. Baccalauréat à 17 ans, diplôme d’ingénieur à 22  ans, doctorat en chimie-physique à 25 ans. Dans son parcours, il évoque des «moments de flottement», des «sauts dans l’inconnu», qui lui ont finalement porté chance. Comme son départ à Pittsburgh à l’âge de 19 ans pour un an d’échange. «Je ne parlais pas un mot d’anglais. Le premier jour a été très dur. Puis ce fut l’immersion totale. Maintenant, l’anglais est l’une de mes deux langues de travail.»

Après les études, Thierry Stora choisit l’industrie. Il est engagé par Firmenich. «L’entreprise a une forte réputation de recherche, elle travaille avec des Nobel. Mon équipe a déposé une dizaine de brevets.» Notamment pour des parfums sans alcool – «c’est très compliqué» – ou des additifs permettant à l’assouplissant de lessive de ne pas se figer lorsqu’on lui ajoute du parfum.

A 35 ans, le physicien revient à une recherche plus académique. Le CERN ouvre des postes. «Quand l’offre s’est présentée, je n’ai pas hésité une seconde.» Aujourd’hui, Thierry Stora a 44 ans. Marié et père de deux enfants, il se situe à un tournant. Le financement européen lui donne des ailes. Il y a peu, tout cela lui paraissait «inespéré: environ mille projets étaient soumis à la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020. Une centaine a été retenue.» Le sien en fait partie avec, ce qui ne gâche rien, «une très bonne note scientifique, ce qui accroît notre crédibilité».

Tuer les tumeurs

Le programme de recherche, qui démarrera en 2015, vise à élaborer une technique pour cibler et détruire les cellules cancéreuses, grâce à un dosage précis d’isotopes radioactifs, c’est-à-dire des atomes au noyau instable et radioactif, produits par le CERN. L’imagerie médicale les utilise déjà, notamment pour révéler un cancer. Le projet Medicis-Promed, que coordonne Thierry Stora, consiste à affiner le procédé: «On pourrait utiliser un isotope pour localiser un cancer puis employer un autre isotope du même élément chimique pour brûler la cellule cancéreuse, sans abîmer les tissus sains.» L’espoir est d’aboutir à un traitement personnalisé, moins nocif que la chimiothérapie. Le chercheur garde les pieds sur terre. Il sait que le chemin sera encore long avant des débouchés cliniques, qu’il espère dans dix ou vingt ans. Il souligne ce qu’il doit à son ami ingénieur Stephano Marzari (celui du café), et à l’oncologue Michel Forni, auquel il rend hommage, car il lui a permis de constituer un réseau auprès des Hôpitaux universitaires de Genève, du Centre hospitalier universitaire vaudois et de l’Institut suisse de la recherche expérimentale sur le cancer de l’EPFL. Désormais, une équipe est constituée au CERN, qui sera complétée par une quinzaine de jeunes chercheurs européens et suisses qui pourront être engagés grâce à l’argent européen. Le CERN organise une présentation du projet et une visite du bâtiment le 15 octobre.

Plus

Leave a reply