L’«édition génétique» d’embryons humains inquiète

L’«édition génétique» d’embryons humains inquiète

Des chercheurs chinois sont parvenus à modifier un gène défectueux dans plusieurs embryons humains, une première apparemment, mais cette technique encore très incertaine conforte les préoccupations éthiques et les réticences de la communauté scientifique envers de telles manipulations génétiques.

L’Alliance américaine pour la médecine régénérative (ARM) a réagi jeudi en appelant «à un moratoire volontaire mondial sur ce type de travaux» sur l’ADN humain, qualifiés de «très prématurés» et qu’il est «inacceptable de poursuivre à ce stade».

Pour l’ARM, un moratoire déjà évoqué précédemment par plusieurs organismes scientifiques «permettrait des discussions rigoureuses et transparentes sur l’aspect légal et en matière de politiques à suivre, ainsi qu’un débat public sur la science, la sûreté et l’éthique de la modification des embryons humains».

Ces scientifiques chinois «ont tenté de modifier le gène responsable de la bêta thalassémie, une maladie du sang potentiellement mortelle, en recourant à une technique d’édition génétique appelée CRISPR/Cas9», a rapporté mardi la revue britannique Nature. Ces travaux ont été publiés en ligne le 18 avril dans la publication peu connue Protein and Cell.

Un de ces chercheurs, Junjiu Huang, un généticien de l’Université Sun Yat-sen à Guangzhou, explique comment ils ont manipulé des gènes de plusieurs dizaines d’embryons fécondés mais pas viables qui n’auraient pas pu de ce fait se développer et produire des êtres humains. Ces embryons provenaient d’une clinique de fertilité.

Selon Nature, ces chercheurs indiquent avoir «eu de grandes difficultés» et que leurs travaux «montrent la nécessité urgente d’améliorer cette technique pour des applications médicales».

Les généticiens chinois ont injecté 86 embryons avec une version corrigée du gène défectueux et attendu 48 heures. 71 embryons ont survécu, dont 54 ont été testés.

Ils ont constaté que le gène corrigé a fonctionné dans 28 embryons mais que seule une fraction contenait le nouveau gène.

«Si on veut appliquer cette technique à des embryons viables il faut que le taux de remplacement soit proche de 100%», a souligné Junjiu Huang, cité par Nature. «C’est la raison pour laquelle nous avons arrêté cette expérience car nous pensons que cette technique n’est pas au point», a-t-il expliqué.

Le chercheur a aussi jugé encore plus préoccupant «le nombre étonnamment élevé» de mutations non-prévues dans ce processus d’édition génétique, plus grand que ce qui a été observé dans des expériences faites jusqu’ici en laboratoire sur des cellules humaines adultes ou de souris.

De telles mutations peuvent être dangereuses et sont la principale raison pour laquelle la communauté scientifique fait preuve d’une extrême prudence quant à la manipulation génétique des embryons humains pour prévenir certaines maladies.

«Ces derniers travaux mettent en lumière ce que nous avons dit avant, à savoir que nous devons faire une pause dans cette recherche et avoir une discussion étendue pour décider quelle direction prendre», a commenté Edward Lanphier, président de Sangamo BioSciences en Californie, cité par la revue Nature, se faisant l’écho de l’Alliance for Regenerative Medicine.

Pour George Daley, un biologiste de la faculté de médecine de Harvard, la recherche chinoise «marque une étape» étant donné que c’est la première fois qu’une technique de modification génétique d’un embryon humain est utilisée.

Mais, ajoute-t-il dans la revue Nature, «c’est également une mise en garde pour ceux qui pensent que la technologie est prête à être testée pour éradiquer des gènes porteurs de maladies».

D’autres chercheurs, tout en prônant aussi la prudence, soulignent néanmoins l’importance des recherches génétiques.

«Ces dernières décennies, la recherche sur la modification des séquences de l’ADN dans la cellule a permis aux scientifiques de mieux comprendre les maladies et de mettre au point de nouveaux traitements», relève Rudolf Jaenisch, le président de la Société internationale pour la recherche sur les cellules souches (ISSCR). Mais «il est trop tôt pour appliquer ces technologies sur l’embryon humain», ajoute-il dans un communiqué, insistant aussi sur «des directives éthiques très strictes».

Au moins quatre autres équipes de chercheurs chinoises travaillent sur des travaux similaires à ceux qui viennent d’être publiés, selon Nature.

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